« Le premier titre de Renaud que j’ai entendu, écouté en boucle, c’était « Hexagone » du double album live à Bobino, en 1980. À l’époque, j’avais dans mon idée achevé mon initiation maritime et voyageuse (avec, en point d’orgue, un tour du monde avec Éric Tabarly). J’avais repris mes pinceaux et fait une tentative de résidence en atelier sédentaire… Je tâtonnais et j’entendais ce nouveau truc, ce jeune type de mon âge qui me revigorait. Il s’est passé une bonne quinzaine d’années avant que je ne rencontre en vrai, au hasard… dans un bar. Un bistrot. Le temps avait passé. J’avais réglé mon compte avec la marine (de course) en remportant le Vendée Globe et retrouvé mes pinceaux pour de bon, mais apaisés et ni plus ni moins voyageurs. Renaud, comme on le sait, aime bien les marins (« Dès que le vent soufflera », 1983) mais, surprise, il connaissait aussi mes travaux artistiques : nous avons échangé quelques propos décisifs bien arrosés du genre : « j'aime beaucoup tes chansons » et « j'aime beaucoup tes dessins ». Il fut question, je me souviens, que nous nous rappelions pour envisager une participation sur son prochain album. De nouvelles années ont passé. Cela m’était complètement sorti de l’esprit, d’autant que Renaud traversait une période de jachère créative après À la belle de mai. Et puis un jour, j’ai reçu un message d’un kilomètre de long sur mon portable : il me racontait avec engouement la quasi-totalité du nouvel album Boucan d’enfer dont il allait débuter l’enregistrement, et me rappelait notre discussion. J’étais surpris je dois dire, mais surtout ému qu’il se soit souvenu ! C’était tout comme si on s’était parlé la veille !⁣ »   Extrait de Renaud par Titouan, Éditions Gallimard 2002